Posted on Igi Nderi Posted in Droits des enfants, Droits Humains, Exploitation, Liberté
Au cours des dernières années, le nombre de cas impliquant des enlèvements internationaux d’enfants s’est accru de manière significative. L’enlèvement international d’enfants est malheureusement devenu une pratique courante qui survient généralement à la suite d’un conflit conjugal houleux et émotif, dans les toutes premières phases de séparation ou de divorce, ou lors de la période d’attente de la décision judiciaire concernant la garde.
Le terme enlèvement implique un sentiment de trahison du point de vue du parent à qui l’enfant a été enlevé. Cependant, que pense l’autre parent qui a emmené l’enfant avec lui ? En tant que parents, ils pensent avoir un droit légitime étant donné qu’il s’agit de leur enfant. Cet article a pour but de s’en tenir aux faits concernant les cas d’enlèvements internationaux d’enfants et notre objectif principal reste de protéger l’enfant innocent injustement placé au cœur d’un tel conflit, sans avoir aucunement l’intention de juger les parties impliquées.
Le rôle d’Humanium dans la lutte contre l’enlèvement international d’enfants
Malheureusement, l’enlèvement international d’enfants survient couramment. Chez Humanium, nous avons reçu, parmi tant d’autres, un cas qui mérite d’être rapporté. Le 16 Septembre 2016, une mère a enlevé son enfant. Depuis lors, Mr X n’a pas pu rendre visite à sa fille. Au moment de l’enlèvement, Mr X était encore marié et légalement reconnu comme le père. Une fois qu’il a réalisé que la mère avait kidnappé sa fille, il a tenté de contacter la mère et les autorités compétentes à de nombreuses reprises.
Mr X. ignorait l’existence de la Convention de la Haye et n’a donc pas été informé de sa procédure stratégique, ce qui est très problématique dans la mesure où il est nécessaire d’agir rapidement pour que l’intervention de La Haye soit effective. Le père a été informé plus tard que la mère avait fui en Chine avec leur fille, un pays bien connu pour l’enlèvement d’enfants qui n’a pas encore ratifié la Convention de La Haye (Organisation Mondiale pour la Coopération Transfrontalière en Matière Civile et Commerciale, 2021).
Concernant le dossier juridique, Mr X. s’est plaint du fait qu’il avait été informé peu de temps avant le jugement que son droit parental avait été révoqué. Le père avait également interpellé l’illustre association norvégienne à propos de cette procédure. Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a aucune preuve que Mr X ait été un danger pour sa fille ou pour sa femme et il n’a jamais été question de faits de violence ou d’abus à son encontre. De plus, le père n’a jamais été condamné pour ce genre de faits par aucun tribunal. Par conséquent, Mr. X. a entamé des poursuites devant les tribunaux français afin d’établir la reconnaissance de l’enlèvement et de récupérer un droit de garde.
Selon le Code Pénal Français de 1992, l’enlèvement d’un enfant est considéré comme un acte criminel en vertu des articles 113-7 et 227-7 (Base de données des outils juridiques, 1992). Les autorités françaises peuvent donc engager des poursuites judiciaires contre les ressortissants étrangers dans d’autres états pour des actes criminels comme l’enlèvement international d’enfants (Base de données des outils juridiques, 1992). Une plainte a déjà été déposée devant le Ministère Public. De plus, l’enfant a le droit de voir son père en vertu de l’article 8 de la CEDH et en vertu des articles 3, 8, 9 et 12 de la CNUDE. Le droit à une vie de famille s’applique aussi bien à l’enfant qu’au père.
Qu’est-ce que l’enlèvement international d’enfants ?
Les enfants victimes d’enlèvement international sont souvent enlevés d’un environnement familial et sont soudainement isolés de leur communauté, de leur famille et de leurs amis. Ils peuvent manquer l’école pendant des mois voire des années, à un moment où ils devraient développer leurs facultés sociales, comportementales et émotionnelles. L’enfant est emmené de place en place afin de rester caché ou hors d’atteinte pour l’autre parent. Dans certains cas, le nom, la date de naissance et l’apparence physique de l’enfant sont modifiés ou occultés afin de cacher son identité.
Selon la Convention de la Haye sur les Aspects Civils de l’Enlèvement International d’Enfants (Convention de la Haye), il existe un traité multilatéral qui vise à protéger les enfants en-dessous de l’âge de 16 ans des effets néfastes du déplacement illicite et du non-retour au-delà des frontières internationales en prévoyant une procédure entraînant le retour rapide et assurant la protection des droits de visite. (Organisation Mondiale pour la Coopération Transfrontalière en Matière Civile et Commerciale, 2021)
L’article 3 stipule que « le déplacement ou le non-retour d’un enfant est considéré comme illicite lorsqu’il y a eu violation d’un droit de garde attribué à une personne, à une institution ou à tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ». (Organisation Mondiale pour la Coopération Transfrontalière en Matière Civile et Commerciale, 2021). De plus, on considère qu’il y a enlèvement international d’enfants si au moment du déplacement ou du non-retour ces droits ont été exercés ou auraient été exercés si de tels évènements n’étaient pas survenus. (Organisation Mondiale pour la Coopération Transfrontalière en Matière Civile et Commerciale, 1980)
Aujourd’hui, il y a 101 Etats membres de la Convention de La Haye (Organisation Mondiale pour la Coopération Transfrontalière en Matière Civile et Commerciale, 2021), par opposition à la Convention des Droits de l’Enfant des Nations-Unies de 1989 (CNUDE) qui est le traité des droits humains le plus ratifié au monde (UNICEF, 2021) avec 196 membres. Cela entraîne inévitablement un conflit si le parent responsable de l’enlèvement de l’enfant est un ressortissant d’un pays qui ne fait pas partie de la Convention de La Haye.
L’autre parent est en position précaire étant donné qu’il ne peut pas utiliser les mécanismes de la Convention de La Haye pour permettre le retour en toute sécurité de son enfant. Ce cas se présente dans de nombreux tribunaux de différents pays qui ont la lourde tâche de trouver un juste équilibre entre les intérêts et les objectifs des deux conventions. (McEleavy, 2015).
Conflit de lois
Il y a un conflit de lois rendant complexe pour les tribunaux de déterminer ce qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant. Il y a 41 articles dans la CNUDE qui détaillent les différents types de droits auxquels les enfants peuvent prétendre afin de développer leur plein potentiel (Child Rights Alliance, 2021). L’article 3 plus particulièrement stipule que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une première considération pour toutes les actions affectant les enfants (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, 1989).
La CNUDE stipule en outre que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit être le facteur déterminant pour les actions spécifiques, telles que l’adoption (Article 21) et la séparation d’un enfant avec ses parents contre leur gré (Article 9) (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, 1989). L’absence d’une définition claire sur « l’intérêt supérieur de l’enfant » ou de ce qui constitue l’intérêt supérieur de l’enfant permet aux tribunaux d’interpréter à leur discrétion ce principe fondamental. Malgré le fait que ce principe soit fortement contesté, son importance est largement acceptée dans la communauté internationale. (Loo, 2016).
Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas directement abordé dans la Convention de la Haye autrement que par une ligne en préambule, « les intérêts de l’enfant sont d’une importance capitale » (Organisation Mondiale pour la Coopération Transfrontalière en Matière Civile et Commerciale, 1980). De plus, la Convention de La Haye ignore le principe lorsqu’on détermine la juridiction dans laquelle le cas de l’enlèvement doit être entendu, conduisant à de futurs débats et critiques pour déterminer si La Convention de La Haye viole les intérêts supérieurs de l’enfant selon la CNUDE (Loo, 2016). En outre, les éléments repris dans la Convention de La Haye qui doivent satisfaire aux conditions pour déposer une plainte pour enlèvement international d’enfant sont très stricts.
Un des éléments qui doivent satisfaire à ces conditions est l’âge de l’enfant ; la Convention de La Haye s’applique seulement si l’enfant n’a pas atteint l’âge de 16 ans. Même si l’enfant était âgé de moins de 16 ans au moment de l’enlèvement ou de la rétention abusive, la Convention de La Haye cesse d’être applicable aussitôt que l’enfant atteint l’âge de 16 ans (Organisation Mondiale pour la Coopération Transfrontalière en Matière Civile et Commerciale, 1980).
Cependant, la CNUDE stipule explicitement qu’« on entend par enfant tout être humain âgé de moins de 18 ans » (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 1989). Les deux conventions stipulant des âges différents pour les enfants, c’est un autre point de discorde qui doit être révisé. Avec le seuil d’âge fixé à 16 ans en vertu de la Convention de La Haye, cela peut être utilisé au détriment de l’enfant, entraînant ainsi davantage de cas d’enlèvements internationaux d’enfants.
Progresser au profit des enfants
- Une compréhension du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et une application harmonieuse des conventions. Malgré les engagements pour le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, il n’existe pas de définition claire du « principe de l’intérêt supérieur de l’enfant » ou de ce qui constitue l’intérêt supérieur de l’enfant. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant joue un rôle primordial dans les droits de l’enfant en tant qu’aide à la construction et est un élément qui doit être pris en compte lors de l’implémentation des autres droits. A cet égard, il doit y avoir une uniformité dans l’application de ce principe avec la Convention de La Haye.
- Des autorités centrales robustes, plus fortes au niveau national. Actuellement, le rôle de l’Autorité Centrale est largement limité à aider le parent délaissé à remplir les documents adéquats pour entamer la procédure pour récupérer l’enfant ou obtenir un droit de visite (Loo, 2016). Il y a une mention de la Convention de La Haye qui encourage l’Autorité Centrale en implémentant l’Evaluation de l’Intérêt Supérieur (EIS) ou l’analyse de la Détermination de l’Intérêt Supérieur (DIS) telle que mentionnée dans les principes directeur du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR, 2008). Cela devrait établir les fondements d’un guide pour une bonne pratique pour les autorités, que les tribunaux devraient suivre en interprétant les intérêts supérieurs de l’enfant.
- Fournir une assistance psychologique aux victimes d’enlèvement d’enfants. Les enfants enlevés risquent fort de développer des problèmes psychologiques sur le long terme incluant de l’anxiété, des troubles alimentaires, des cauchemars, des changements d’humeur, des troubles du sommeil et un comportement agressif. Même devenus adultes, les enfants victimes d’enlèvement international peuvent se débattre avec des problèmes d’identité, des problèmes relationnels et familiaux (Département de Justice des Etats-Unis, 2021). De plus, les parents des enfants enlevés peuvent se sentir indirectement responsables du traumatisme enduré par leur enfant et peuvent être aux prises avec des sentiments d’incompétence, de culpabilité, d’impuissance ou d’insécurité (Spilman, 2015).
- Le rôle d’Humanium dans la lutte contre l’enlèvement d’enfants. Malheureusement, tous les parents ne comprennent pas ni même ne sont conscients des mécanismes légaux en place pour les aider à récupérer leur enfant enlevé. La ligne d’assistance juridique d’Humanium et son service de défense juridique apportent des solutions aux parents lésés. Nous portons l’affaire au sein de nos réseaux et nous offrons une assistance au parent auquel l’enfant a été enlevé.
Chez Humanium, nous cherchons à élever les consciences sur l’importance des droits des enfants à la vie, à la survie, au développement et à la protection. Rejoignez-nous pour faire du droit des enfants à un environnement sûr une réalité en parrainant un enfant, en faisant un don ou en devenant bénévole !
Ecrit par Adrian Lakrichi & Igi Nderi
Traduit par Laurence Mortier
Relu par Ania Beznia
Ouvrages Cités :
Eekelaar, J. (1992). The Importance of Thinking That Children Have Rights. International Journal of Law, Policy and the Family, 230-231.
ICC Legal Tools Database. (1992, February 22). Code Penal de 1922. Sourced from ICC Legal Tools Database.
Loo, H. (2016). In the Child’s Best Interests: Examining International Child Abduction, Adoption and Asylum. Chicago Journal of International Law, 609-636.
Spilman, S. (2015). Child Abduction, Parents’ Distress, Social Support. Violence and Victims, 149-164.